Extrait  '' Le Bal ''  dans  Sylvia  de John Neumeier  Claire Lonchampt et Chris Weisler 

Créé en 1876 dans une chorégraphie de Louis Mérante, Sylvia, chef d'œuvre musical de Léo Delibes.

 

En juin 1997 John Neumeier imagine une chorégraphie des plus originales pour l'Opéra de Paris dans de pittoresques décors de Yannis Kokkos. Les arbres sont bleus, le ciel vert, et une porte jaune s'ouvre dans le vide. Les satyres des bois font place à de joyeux garçons torses nus et en pantalons blancs. Neumeier coupe quelques pages de Delibes pour en rajouter d'autres, non moins belles, extraites de son ballet La Source, et oublie le roman Aminta du Tasse. Diane et les chasseresses sortent du bain enroulées dans des serviettes éponge, Aminta porte pull et pantalon. L'Amour en salopette tire ses flèches de son sac à dos et le bel Endymion - ex amant de Diane qui a cédé à un moment de faiblesse - roule au sol comme un mollusque ballotté par les courants marins, condamné à un sommeil éternel. Son étrange duo, endormi dans les bras de Diane, démontre un fois de plus la poésie chorégraphique de John Neumeier.


Tout est nouveau, plaisant, logique dans cette relecture où l'Amour sous le frac du pervers Orion, s'amuse à faire goûter à la chaste Sylvia les plaisirs de ce monde, au cours d'un bal qui vire en « tournante » mondaine, animé par de superbes hommes en habits queue de pie - sortis d'un magazine de mode !- qui fument des joints...


« Le thème principal est l'évolution d'une jeune fille qui possède force et talent, mais n'est pas ouverte à l'amour » explique Neumeier « Et c'est dans un lieu symbolique, une pièce toute blanche, que livrée aux mains d'hommes sexy, elle va faire l'expérience de son extrême sensualité, et découvrir sa féminité »

Au dernier acte, dans les rigueurs de l'hiver, c'est un Aminta aux cheveux grisonnant qui retrouve Sylvia, en robe de voyage et valise à la main... avant un coup de théâtre émouvant, qui ne peut laisser personne insensible.

« Le plus important dans un ballet » estime Neumeier « c'est de créer de vrais caractères, des caractères qui dansent. Je suis touché par leur destin. Je m'identifie à tous, et il y a un peu de moi en chacun. Je dois trouver un petit coin en moi qui est ce personnage. J'essaie d'abord d'établir des êtres de chair, et à partir de cela, des situations. Je veux représenter des créatures que je comprends, des personnages véritables, pour pouvoir me dire ensuite : oui c'est possible de faire ceci et d'avoir telle réaction. Quand un personnage est authentique, le public y trouve aussi quelque chose de lui-même. Il faut atteindre la vérité pour le toucher ».

John Neumeier ne se contente pas d'actualiser l'action : il crée avec passion des personnages dont la psychologie les rend proches des sensibilités actuelles.